Workshop Ecolabel Européen- 8 Nov 2006
ADEME - ALPHEEIS - Eco-Label Européen - Journée technique ShMILE - le 8 novembre 2006
Bonjour. Je vais vous parler de l'expérience de notre hôtel qui est situé en France près de Poitiers. Cet hôtel a été labellisé en mai dernier. Nous sommes à peu près à six mois d'éco-label. Il a été le premier hôtel labellisé en France. C'est une expérience très personnelle. On m'a demandé de vous donner en toute transparence et honnêteté le vécu que nous avons pu avoir de cette démarche. C'est une très belle histoire. C'est une histoire qui a commencé par une série de rencontres. A l'origine de l'hôtel, il y a un partenariat avec un architecte qui est mon mari. Il a suivi toute la génèse du projet et a apporté sa compétence en haute qualité environnementale. Cela a été un plus dès le départ. Puis il y a la rencontre avec le CJD, Centre des Jeunes Dirigeants. Cela m'a permis d'être sensibilisée à l'évolution des modes de management en intégrant non seulement l'économique, mais aussi des notions d'environnement, de performance sociale et sociétale. J'avais envie de mettre en œuvre ces dimensions dans mon entreprise. En France, il y a eu un l'appel à l'action de Nicolas Hulot avec son Défi pour la Terre. J'ai eu la chance d'aller à des cycles de conférences de très haut niveau comme la Première Université de la Terre co-organisée par Nature et Découverte et les Echos avec des messages extrêmement forts, une réelle prise de conscience des enjeux et des solutions. L'ADEME à Bordeaux à été précurseur avec des outils pour les professionnels du Tourisme. Enfin, il y a eu l'enthousiasme de l'équipe AFAQ AFNOR Paris et régionale. Ils nous ont incités à aller de l'avant.
Je vais vous montrer un DVD qui a été réalisé par deux spécialistes consultants en développement durable. Ils nous ont contactés quand ils ont appris notre projet. Ils ont filmé le dernier mois de préparation à la labellisation. Ce sont des journalistes qui ont travaillé à l'international, en particulier sur les villes exemplaires en Europe ces dernières années. Leur conviction est qu' en France les PME peuvent avoir un rôle central dans la mise en œuvre du développement durable: il y a une flexibilité et une autonomie dans la PME qui permet de mettre en œuvre des choses plus vite qu'ailleurs.
Projection du DVD :
Lussac-les-Châteaux est en Poitou-Charentes. C'est un hôtel de charme trois étoiles (10 chambres, une partie séminaire). C'est une demeure du XVIIIe siècle. Nous avons une clientèle à moitié française, moitié étrangère. Il y a arboretum derrière l'hôtel. Nous avons saisi l'opportunité de l'éco-label européen. C'est une prise de conscience récente. J'ai exploré de nouvelles façons de faire en entreprises. Nous avons mis en place une démarche haute qualité environnementale qui nous a permis une économie de chauffage et environ 30 %. L'hôtel "Les Orangeries" est le premier établissement en France auquel a été attribué l'éco-label européen, service d'hébergement touristique. C'est le seul label écologique officiel reconnu que les 25 pays de l'Union européenne. Sa mission est de valoriser les produits et services les plus respectueux de l'environnement. L'éco-label européen concerne 23 familles de produits. Les exigences applicables au label européen hébergement touristique prennent en compte : l'énergie, l'eau, les déchets et les substances chimiques. Nous avons installé des économiseurs d'eau dans les sanitaires. Nous attirons l'attention des clients sur les gestes qui permettent de limiter les traitements chimiques de l'eau de la piscine. Nous avons équipé l'hôtel de lampes basse consommation fluo compactes.
L'hôtel doit sensibiliser ses clients aux questions environnementales. Nous avons mis une plate-forme de compostage pour les déchets organiques. Nous avons été amenés à revoir nos politiques d'achat avec de nouvelles exigences et parfois de nouveaux fournisseurs. Nous avons privilégié les fournisseurs locaux. Pour la restauration, nous travaillons avec des agriculteurs pratiquants une agriculture agrobiologique. Nous travaillons avec des produits issus du commerce équitable. L'ADEME et le Conseil régional soutiennent les entreprises qui s'engagent dans une démarche de management environnemental. On note aujourd'hui un réel intérêt par le secteur des services. Cet hôtel est un bon outil de promotion de la démarche auprès des acteurs du tourisme. En termes de bénéfice pour l'entreprise, il y a une véritable dynamique avec un projet d'entreprise identifié, des objectifs, un plan d'action et une meilleure maîtrise des coûts.
Le développement durable est un nouvel art de vivre et de nouveaux comportements à partager.
Je remercie les deux journalistes qui nous ont suivis. Quand nous avons reçu le référentiel de l'éco-label, notre première surprise a été de nous rendre compte que ce label était à notre portée. Nous avions pour atout la rénovation des bâtiments anciens selon les critères de la Haute Qualité Environnementale. L'hôtel était récent. Il a ouvert il y a sept ans avec des équipements neufs. Cela nous a permis de répondre aux exigences techniques du label en particulier sur le taux de rendement des chaudières. Notre petite taille de structure a facilité également notre engagement, les décisions d'achat et la flexibilité. La suppression des conditionnements individuels a été ainsi acceptée facilement. Enfin, nous avons favorisé les matériaux nobles et traditionnels et évité le plastique. Ainsi, nous proposons des buffets de confitures depuis l'ouverture de l'hôtel et nous n'avons pas de chaises en plastique.
En revanche, la vraie difficulté a été de préserver le charme. Nous ne voulions absolument pas transiger sur ce qui avait fait notre succès et notre identité. Nous nous sommes creusés la tête pour intégrer au mieux les messages de sensibilisation que nous à délivrer dans les chambres et les salles de bain. Là, c'est le petit cadre que nous mettons dans les toilettes pour expliquer toute la problématique de l'eau et l'intérêt d'utiliser les poubelles.
Un autre enjeu majeur a été de conserver l'esthétique. Nous avons mis très longtemps à trouver des ampoules. Je remercie Magaman et ses ampoules micro fluo compactes pour nos beaux lustres anciens.
Nous pensions que le problème d'électricité issu de sources d'énergie renouvelable serait un critère rédhibitoire parce que nous ne le remplissions pas. Nous avons découvert que EDF proposait des contrats d'électricité provenant de sources d'énergies renouvelables, avec une proportion plus ou moins importante selon le choix. Nous avons opté pour un contrat équilibre 100%. L'augmentation de coût est de 2 à 3 % avec un tarif jaune. Nous sommes en train de regarder l'évolution de nos consommations d'énergie. Globalement, il y a une baisse nette qui va entre 8 et 30 % selon les mois.
Tous nos consommables, dont le volume peut être pluriannuel en raison de notre taille (comme les produits d'entretien, linge de lit), étaient en fin de stock. Nous avons pu opter sans délai pour des choix durables. Nous avons ainsi choisi des draps éco-label. Sur les éponges ou les nappes, nous avons un fournisseur qui nous donne des produits standards pour rester en attente de produits qui arriveraient sur le marché. Nous sommes sur des marchés qui sont en train de naître. Ce sont des achats qui engagent et il faut faire attention.
Sur les ampoules, nous avons équipé l'hôtel d'un seul coup en ampoule basse consommation. Cela représentait un coût important. En contrepartie, nous avons demandé à une banque de nous faire un prêt développement durable. Les perspectives de retour sur investissement sont évidentes. Cela s'est passé sans problème.
Nous avons eu un accompagnement de l'ADEME sur 50 % du coût de la labellisation. C'est une aide qui est distribuée par l'ADEME, mais qui est régionale. Je ne sais pas ce qui est pratiqué dans vos régions.
Par rapport au label, le vrai challenge a été d'aller le plus loin possible. La première fois que nous avons vu l'AFNOR, nous étions labellisables tout de suite. Nous avons essayé de faire tout ce que nous pouvions avant d'avoir officiellement le label pour canaliser les énergies. Nous avons été extrêmement sensibilisés par toutes les campagnes menées par le ministère du Développement durable. Cela a permis de rythmer nos efforts. Nous sommes beaucoup attachés aux déchets. Nous nous sommes rendu compte qu'il y avait un monde entre ceux qui avaient eu une formation et ceux qui ne l'avaient pas eu. Ce sont vraiment des formations qu'il faut donner au fur et à mesure des arrivées dans l'entreprise. Des piqûres de rappel sont nécessaires. Nous avons la chance d'être dans un village qui trie les biodéchets, c'est-à-dire tous les restes d'assiette. Nous avons nous-mêmes participé à des opérations de sensibilisation avec les écoles. Toutes les classes de l'école du village sont venues. Nous leur avons fait faire des jeux. Cela s'est très bien passé. Les enfants sont un public absolument merveilleux. Je crois qu'il y a énormément à faire. Ils sont prescripteurs par rapport aux parents.
Nous avons négocié avec notre fournisseur de draps de récupérer les draps déclassés pour les faire parvenir à un hôpital du Burkina Faso. L'idée est : quand on jette, ne peut-on vraiment plus rien faire de ce qu'on met à la poubelle ? Il y a encore beaucoup de choses à faire sur la limitation des déchets. Ce sont dans des éléments sur lesquels nous travaillons, en particulier au niveau des achats.
Un autre élément auquel nous avons été sensibilisés par les actions de formation que nous avons eues dans l'équipe, c'est la problématique de la Biodiversité. L'hôtel est Refuge LPO (ligue pour la protection des oiseaux). Nous n'utilisons plus aucun pesticide dans le jardin. Comme par hasard, nous voyons à niveau des papillons. Nous avons fait de petits guides balades pour les enfants afin de les inciter à aller découvrir les arbres, les différents insectes et oiseaux qu'on peut y observer.
En termes de consommation énergétique, nous avons un nouveau projet en cours. Nous allons opter pour un chauffage au bois pour la nouvelle extension. En ce qui concerne le transport, il y a une grande campagne sur la mobilité organisée par le ministère du Développement Durable. Cela nous a incités à mettre en place un plan de déplacement au niveau de l'entreprise.
Vous avez parlé tout à l'heure de séjour à packager pour les clients. Nous avons mis en place un séjour sans voiture. De plus en plus de clients viennent par le train. Nous avons trouvé que c'est un bon moyen de les motiver. Nous avons proposé un accueil VIP à la gare du village. Nous avons également fait récemment l'achat de vélos à assistance électrique. Nous sommes dans une zone très rurale très riche en patrimoine, cela permet d'aller visiter beaucoup de choses. Nous avons fait des partenariats avec les sites pour recharger les vélos.
Nous nous sommes dits qu'il fallait arriver à diminuer absolument notre empreinte écologique, en particulier le poids du fret sur nos achats. Ce sont des chiffres que nous avons découverts au fur et à mesure. Chaque fois que nous faisons des achats, nous essayons de trouver au plus près géographiquement . Par exemple, nous donnons des oranges pressées parce ce que nous nous appelons "Les Orangeries". En été, les oranges ne sont pas très bonnes. En alternative, nous avons donné un jus de pomme et de poire qui vient d'un verger conservatoire d'un lycée agricole à 15 kilomètres. Nous avons économisé 200 kilos d'oranges et quelques milliers de kilomètres de fret qui mis bout à bout peuvent faire la différence.
Il y a un énorme chantier sur les achats alimentaires. Le rêve, ce serait d'aller vers un restaurant éco-responsable. Nous sommes bien conscients que notre petite taille nous permet de faire des choses qu'on ne peut pas faire à plus grosse échelle. Le premier geste, ce sont des produits d'entretien. Nous avons découvert des produits d'entretien issus de la chimie verte qui remplissent les normes HACCP.
Petite parenthèse, nous sommes en train d'observer de vrais problèmes de santé publique liés aux produits d'entretien. J'ai un confrère qui a un cas de double cancer des voies respiratoires parmi son personnel. Ils sont en train d'analyser tous les produits chimiques utilisés à l'hôtel. Il est extrêmement inquiet.
Nous sommes très heureux d'avoir trouvé les produits que nous utilisons actuellement. C'est une chose sur laquelle nous ne reviendrons pas. Tous nos produits sont biodégradables et totalement naturels.
Nous avons la chance d'être dans une zone où il y a des producteurs locaux qui proposent des produits de qualité. La difficulté, c'est le côté artisanal. C'est un peu fluctuant et difficile à gérer pour les grosses manifestations. En hiver, il y a moins de choix. Nous allons essayer de faire le maximum pour utiliser ces produits. Il y a une production bio qui est assez riche localement.
Au global, nous avons renouvelé environ deux tiers de nos fournisseurs. Cela a été un énorme travail. Il faut trouver les adresses. Nous avons beaucoup lu de notes techniques et autres et essayer de prendre en compte le cycle de vie des produits. Le résultat est extrêmement satisfaisant. Nous avons pu établir de vrais partenariats. Les éco-industries ont des recherches développement fabuleuses et sont prêts à former les équipes. Cela a été une expérience très riche.
Le point important pour nous était de savoir comment les clients allaient réagir. Nous avons mis en place un questionnaire de satisfaction pendant tout l'été. A la fin, de ce dernier, il y avait une question concernant leur degré de motivation par rapport à l'environnement. La clientèle de cet été n'était pas au courant de notre démarche. 90 % des clients interrogés se sont dits impliqués sur ces questions environnementales. 50 % se sont déclarés être très impliqués.
En ce qui concerne le détail des performances perçues sur nos actions, c'est extrêmement positif. La notion d'information est très importante. Elle est très lourde dans l'éco-label. Ce n'est pas étonnant que cela ressorte aussi fortement. Les économies d'énergie sont flagrantes. Le livret d'accueil est un élément phare parce que c'est un vrai mode d'emploi de l'hôtel. Nous essayons de faire ressortir tout ce que nous faisons de notre côté pour essayer d'avoir un ensemble d'actions vertueuses de part et d'autre et que cela fasse partie des bonnes pratiques. Nous avons quatre poubelles par chambre pour le tri des déchets. Il y a une vraie cohérence qui est perçue par les clients entre l'identité que l'hôtel avait et l'art de vivre que nous essayons d'y développer. Nous vous avons repris ici quelques verbatim que nous avons trouvés sur les questionnaires : l'esthétique du cadre, les produits du terroir, la qualité de confort et des matériaux, le jardin, l'esprit écolo.
En termes de plus-value d'image, il y a des verbatim qui sont extrêmement positifs. Il y a un côté innovateur, anticipateur. Les clients nous disent qu'ils n'ont jamais vu un hôtel faire cette démarche. Il est vrai que nous étions les premiers. L'éco-label n'est pas encore entièrement connu. Il y a un gros travail de notoriété à faire, mais son nom parle tout seul. Le message qu'il véhicule est immédiatement compréhensible. Il y donne l'image d'une société engagée. Ce sont des valeurs qui sont importantes aujourd'hui. Les consommateurs ne s'arrêtent plus simplement à la marque, mais sont attentifs à l'ensemble des engagements des sociétés. C'est là où la notion de cohérence est vraiment importante.
La notion de qualité qui est également ressortie fortement. Tout le monde s'aperçoit que ce qui est bon pour la nature est bon pour l'homme. Quand les clients se lavent les mains avec des solutions biologiques, ils le sentent. Il y a vraiment une supériorité de produit qui a été perçu. De nombreux clients nous ont demandé d'acheter les produits que nous mettions en distribution. Au niveau des aliments donnés au petit déjeuner, il y a des points de qualités qui sont apparus de façon très nette. Cela amène une notion de respect. Nous avons ressenti qu'ils étaient conscients que ce que nous faisions, nous le faisions pour eux. Ils y sont extrêmement sensibles.
Les attentes des clients sont liées à tout ce que nous venons de nous dire. C'est une attente d'information qui est extrêmement forte. Cela a créé une vraie frustration par rapport à notre clientèle étrangère parce que nous n'avions pas traduit nos documents. Il y a eu une demande de nos clients étrangers de traduire toutes ces informations dans leur langue.
Enfin, les clients expriment une demande de performance. Le temps du questionnaire, les clients sont capables de vous dire qu'ils n'ont jamais vu ça, mais qu'ils en veulent encore plus. C'est extrêmement motivant. La performance doit être expliquée ou visible. Dans les WC, nous avons mis des plaques pour économiser l'eau qui créent un effet de surpression. Elles ne se voient pas. Un certain nombre de suggestions d'optimisation portaient sur les doubles chasses. Les clients ne se rendaient pas compte qu'ils ne consommaient que la moitié de l'eau. Il y a aussi un souhait de tourisme de loisirs nature.
En résumé, c'est vraiment une très jolie histoire. L'Ecolabel, c'est vraiment un outil de management qui a fait progresser l'hôtel. Économiquement, c'est indéniable, ce n'est pas quelque chose qui coûte. C'est un investissement qui, sur le moyen terme, est extrêmement rentable. Je suis convaincu que ne pas gaspiller et utiliser les ressources de façon souhaitable va dans le bon sens. Nous avons tellement avancé sur la dimension environnementale à l'hôtel, que nous n'avons pas le choix, nous sommes obligés d'avancer sur tout le reste. Nous sommes en train de travailler sur les profils de postes, la politique de ressources humaines. C'est vraiment une dynamique vertueuse qui permet d'avancer avec tous les partenaires.
Aujourd'hui, l'objectif à l'interne, c'est d'impliquer chacun dans l'équipe afin de partager cette responsabilité. Nous sommes en partenariat très serré avec les fournisseurs. Du point de vue du relationnel client, l'enjeu est de continuer à les satisfaire. Je pense qu'ils vont être rapidement exigeants. Excusez-moi d'avoir pris votre temps. Je vous remercie.